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8 mars 2025 : La négociation collective est le meilleur levier dans la lutte contre les inégalités femmes-hommes8 mars 2025 : La négociation collective est le meilleur levier dans la lutte contre les inégalités femmes-hommes

Différences de rémunérations et de temps de travail, organisation du travail et facilitation des aménagements vie privée/vie professionnelle, il reste encore beaucoup à faire pour avancer vers une réelle égalité. Le point avec Béatrice Clicq, secrétaire confédérale au secteur de l’Égalité et du Développement durable.

 

Quel est le levier majeur pour faire progresser l’égalité professionnelle femmes-hommes ?
Béatrice Clicq : C’est la négociation collective dans un premier temps. Mais avec un patronat qui veuille vraiment faire avancer les choses. Or la volonté est très variable selon les entreprises. L’égalité professionnelle est une obligation désormais inscrite dans le bloc qualité de vie au travail, au même titre que l’articulation des temps de vie, le handicap, la mobilité professionnelle, etc. Mais parfois cela débouche sur des mesures tièdes. Par exemple : affirmer le principe d’égalité femmes-hommes simplement, ça ne sert à rien. Il faut des engagements concrets tels que : pas de réunions qui débordent des heures de travail, une prise en charge des frais de garde en cas de déplacements, etc. Autre exemple : si on prend la thématique de l’embauche, affirmer qu’il n’y aura pas de discrimination à l’embauche, c’est facile. Mais préciser dans un accord que dans un recrutement où il y aurait 70 % de candidatures féminines, il faut aussi 70 % de femmes dans les recrutées, c’est plus utile. Il y a aussi des mesures plus inventives qui consistent à recruter des femmes, même si elles n’ont pas tout à fait les mêmes diplômes et formations que les candidats hommes et à les former sur le tas. Cela ouvre des perspectives sur des filières jusqu’à présent peu féminisées.

Les contraintes actuelles sont-elles suffisamment fortes pour faire progresser l’égalité salariale ?
Béatrice Clicq : En théorie oui. La loi du 22 décembre 1972 pose le principe de l’égalité de rémunération. Avec l’index de l’égalité professionnelle on devrait avoir passé un cran, puisque des sanctions accompagnent ce dispositif. Pourtant on est toujours à 23,5 % de différence de revenu. Car en réalité, très peu de sanctions sont appliquées. De plus, l’index ne concerne qu’un quart des salariés et moins de 1 % des entreprises. Car parmi les entreprises de plus de 50 salariés soumises à l’obligation de calculer et publier leur index, il y en a encore 12 % dont l’effectif ne permet pas de répondre aux critères de l’index tel qu’il a été conçu. Donc on est plutôt à 0,9 % des entreprises qui calculent leur index.

Où en est la réforme de cet index Egapro et quelles sont les revendications de FO à ce sujet ?
Béatrice Clicq : Il y a eu un bilan du Haut conseil de l’Egalité rendu l’année dernière, qui, sans surprise, a conforté les travers et manquements que pointaient les organisations syndicales au moment du lancement de l’index en 2018. C’est à dire : une invisibilisation d’une partie des écarts de rémunération. L’écrasante majorité des entreprises dépassent le score de 75/100. Avec de telles notes, certaines considèrent qu’elles n’ont plus rien à améliorer. Heureusement ce n’est pas la majorité. Nous avons eu plusieurs réunions avec le ministère, la perspective de la transposition de la directive européenne sur la transparence des rémunérations (dont la date butoir est en juin 2026) devait aider à faire avancer les choses et à réviser l’index. L’exécutif s’était engagé à transposer la directive avant 2026. Mais il y a eu la dissolution et deux changements de gouvernements. Nous relançons régulièrement ce sujet. Ce que nous voulons c’est que l’indicateur numéro 1, celui sur les écarts de salaires, soit présenté et décortiqué en CSE et en négociations, que la note soit bonne ou mauvaise. Car même avec une bonne note globale, si on observe les choses à la loupe, on peut voir où sont les écarts et prendre des mesures. Nous demandons aussi la mise en œuvre d’un indicateur supplémentaire : la proportion de femmes parmi les 10 % de salariés les moins bien rémunérés dans l’entreprise. Dans certaines entreprises ce sera lié aux problématiques de temps partiel, notamment les temps partiels subis, mais il peut y avoir d’autres situations à corriger.

Que peut-on attendre de la transposition de la directive européenne sur l’égalité de rémunération ?
Béatrice Clicq : L’obligation de transparence doit permettre aux salariés de connaître les écarts salariaux. Pour pouvoir agir sur les écarts il faut savoir qu’ils existent. Or c’est souvent tabou de discuter de son salaire avec ses pairs. Mais si on a une information claire, on peut se situer par rapport à ses collègues de même ancienneté, de même profil, aller voir l’employeur et lui demander des explications que celui-ci aura l’obligation de fournir. Cela donne du sens. Peut-être qu’il y aura des raisons objectives, mais peut-être pas.

FO a-t-elle des revendications concernant des politiques publiques susceptibles de faire progresser l’égalité femmes-hommes au travail ?
Béatrice Clicq : Les politiques publiques doivent répondre aux besoins dans la petite enfance comme dans le grand âge. Mais il n’est pas question que l’entreprise pallie les manquements des politiques publiques. Il faut de la négociation pour créer de nouveaux droits. Et après, dans l’entreprise, on voit ce qu’on peut faire pour faciliter la vie des salariés qui sont parents ou en situation d’aidance. Le congé parental a été réformé en 2014. Dorénavant le congé d’un an doit être partagé entre le père et la mère. Si le deuxième parent ne prend pas ses six mois de congé, le versement de l’allocation pour ces six mois est perdu. Conséquence : moins de 3 % de couples choisissent désormais cette option et le nombre de pères bénéficiaires a même diminué entre 2013 et 2017. C’est compréhensible : ils ont en moyenne un salaire plus élevé que les mères, les familles ne vont pas s’en priver pour le remplacer par une allocation de moins de 500 euros (actuellement). Et donc, si les mères n’ont pas de mode de garde, elles restent à la maison, sans toucher l’allocation de congé parental. Une autre réforme est annoncée qui limiterait le congé parental (devenu congé de naissance) à une année non renouvelable, en étant mieux rémunéré. Mais que feront les familles avant l’entrée à l’école ? Car n’oublions pas qu’il manque actuellement 230 000 places de garde. C’est pourquoi nous revendiquons effectivement une réforme du congé parental : l’allocation ne doit plus être forfaitaire mais proportionnelle au salaire. Cela constituera une baisse moins importante et les pères pourront peut-être davantage profiter de ce congé. Bien sûr il faut que ce soit transférable d’un parent à l’autre, modulable, souple et qu’il y ait quand même toujours la possibilité du congé de trois ans si c’est le choix des parents.
Un autre sujet dont on parle de plus en plus en entreprise est celui de l’aide à un proche dépendant. Là encore c’est beaucoup supporté par les femmes. Donc elles s’arrêtent pour élever leurs enfants, et quand elles sont sorties de cette phase, il faut s’occuper des parents. Là aussi on a un vrai manque en matière de politique publique. Il faut que des services publics spécialisés puissent s’occuper des personnes, que ce soit en établissement ou à domicile. Mais pour l’instant, l’aidance n’est pas un choix, elle est subie. Et avec des conséquences sur les carrières des femmes qui vont prendre des temps partiels, moins bien gagner leur vie, moins cotiser et se retrouver avec de petites retraites. Outre la suppression des écarts de rémunération, FO revendique donc, pour les salariés à temps partiel, la prise en charge par l’employeur d’un complément de cotisations permettant d’égaler les cotisations d’un temps plein, ainsi qu’une pension minimale à 100 % du Smic.

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