Chômage : un recul tout relatif
Le nombre de chômeurs au sens du Bureau international du Travail (BIT) a été ramené à 2,2 millions de personnes, soit 189 000 de moins sur le dernier trimestre 2021, et l’exécutif se félicite de résultats jugés historiques. Sauf que l’indicateur exclut une part du sous-emploi et le « halo du chômage ». Explications.
L’exécutif se félicite des derniers chiffres du chômage mesuré au sens du Bureau international du Travail (BIT), publiés le 18 février par l’Insee. Au quatrième trimestre 2021, le taux de chômage a baissé de 0,6 point, à 7,4 % de la population active (hors Mayotte), son plus bas niveau depuis 2008 si l’on excepte la baisse ponctuelle en trompe-l’œil du printemps 2020 liée à la crise sanitaire, note l’Institut. Sur le trimestre, le taux de chômage de longue durée s’établit à 2,2% de la population active, retrouvant son niveau d’avant-crise.
Quant au taux de chômage des jeunes de 15 à 24 ans, ramené à 15,9% (en recul de 3,6 points), il rejoint les niveaux les plus bas, ceux de la fin des années 1980 et 1990. Des derniers chiffres dont la ministre du Travail s’est particulièrement saisie, l’attribuant aux effets du Plan « #1 jeune 1 solution », mis en place en juillet 2020,…. contrairement à l’analyse qu’en fait la Cour des comptes. Dans son rapport public annuel 2022, celle-ci juge qu’il faut relativiser l’impact du plan, qu’elle qualifie de mal proportionné. Sa mesure phare concernait les aides financières à l’embauche.
Divergence d’analyses
L’efficacité de certaines mesures sur l’emploi, notamment les plus coûteuses, n’est pas avérée, et le résultat observé [une situation des jeunes préservée sur le marché du travail à l’automne 2021, NDLR], est à mettre au moins autant au crédit des dispositifs de droit commun (indemnisation de l’activité partielle) et aux mesures situées hors du périmètre du ministère du Travail (service civique, places supplémentaires en établissements scolaires et universitaires), constate la Cour.
En clair, les dispositions d’urgence ne débouchant pas sur un véritable emploi ont prédominé. La réflexion globale sur la structuration de l’emploi en France, notamment pour lutter contre les effets de substitution entre dispositifs, celle-là même que FO revendique de longue date, a fait défaut. Seule certitude de la Cour des comptes, le coût du plan n’a pas été maîtrisé : 9,7 milliards euros entre juillet 2020 et décembre 2021, dont 53% pour les seules aides aux employeurs d’apprentis.
Le taux de chômage au sens du BIT, un indicateur partiel
Globalement, le satisfecit gouvernemental concernant le taux de chômage au sens du BIT ne résiste pas à un examen approfondi des chiffres. En effet, si le nombre de demandeurs d’emploi au sens du BIT est quasi-similaire entre fin 2021 et fin 2008 (2,2 millions), l’indicateur n’intègre pas le « halo autour du chômage », c’est-à-dire les personnes sans emploi et en souhaitant un mais qui ne satisfont pas les autres critères restrictifs du BIT pour être considérées comme chômeurs (avoir recherché un emploi dans le mois précédent et être disponible pour être employé dans les deux semaines).
Or, fin 2021, le « halo autour du chômage » concernait près de 1,9 million de personnes —chômeurs en formation, malades, découragés et ne cherchant plus d’emploi, parents sans moyen de garde d’enfant— soit 440 000 de plus qu’en 2008 ! Cumulés, le taux de chômage au sens du BIT et le « halo autour du chômage » ressortent ainsi à 12,8 % de la population active fin 2021, contre 12,1% fin 2008. Pas de quoi se féliciter ! D’autant que, pour avoir une vision exacte de la réalité des difficultés à retrouver un emploi, encore faudrait-il y ajouter une part du sous-emploi, autrement les chômeurs contraints à exercer une activité réduite.
Les chiffres que fournit le BIT, s’ils sont reconnus au niveau international, ne sont qu’un des deux instruments mesurant le chômage en France, le nombre de personnes inscrites à Pôle emploi constituant le second. Les méthodes de calcul diffèrent. En moyenne au quatrième trimestre 2021, en France (hors Mayotte), Pôle emploi comptabilisait ainsi 3,3 millions de chômeurs sans emploi (catégorie A), en baisse de 5,9% sur le trimestre et de 12,6% sur un an, et 2,3 millions de personnes exerçant une activité réduite (catégories B et C). S’y ajoutaient 708 100 personnes n’étant pas tenues de rechercher un emploi, parmi lesquelles 347 000 personnes non disponibles, car en formation ou en maladie (catégorie D, en hausse de 6,3% sur un an) et 360 300 personnes en contrat aidé ou en cours de création d’entreprise (catégorie E, en hausse de 12% sur un an).
Pas d’embellie pour les demandeurs d’emploi sanctionnés par la réforme
En tout cas, les demandeurs d’emploi qui subissent depuis le 1er octobre dernier les nouvelles règles d’indemnisation réductrices de droits, suite à la réforme de l’Assurance-chômage que FO ne cesse de contester, cherchent et chercheront en vain l’embellie. Celle-ci est d’autant plus incertaine que la Cour des comptes, invoquant l’endettement du régime d’assurance-chômage, appelle à redéfinir une trajectoire financière permettant de renouer avec la logique d’équilibre de moyen terme.
Cette austérité budgétaire prônée par les magistrats de la rue Cambon, dans leur traditionnel rapport public annuel, ne concernerait pas que l’assurance-chômage. Pointant la France comme l’un des mauvais élèves en Europe pour la situation de ses finances publiques, ils y concluent à la nécessité d’une maîtrise de la dépense plus importante que par le passé, via d’importantes réformes structurelles qui toucheraient le système de retraite, l’assurance maladie, la politique de l’emploi, les minima sociaux et la politique du logement. Un non-sens économique et social absolu pour FO, alors que la crise a mis au jour les conséquences d’années de rigueur qui ont accentué le désengagement de l’État en matière de services publics, et montré bien au contraire la nécessité d’en renforcer les moyens.